Versement libératoire en micro-entreprise : bonne ou mauvaise idée ?
Le choix du mode d’imposition est une décision ô combien stratégique pour les micro-entrepreneurs. Parmi les options qui s’offrent à eux, le versement libératoire suscite souvent de nombreuses interrogations. Présenté comme une solution simplifiée pour le paiement de l’impôt sur le revenu, il peut se révéler avantageux dans certains cas, mais potentiellement pénalisant dans d’autres. Voici donc un dossier complet pour faire le point sur les avantages du versement libératoire en micro-entreprise, ses conditions d’éligibilité et les situations dans lesquelles cette option est (ou non) recommandée.
Comprendre le versement libératoire en micro-entreprise
Qu’est-ce que le versement libératoire ?
Le versement libératoire, également appelé prélèvement fiscal libératoire, est une option accessible uniquement aux micro-entrepreneurs. Elle leur permet de payer leur impôt sur le revenu en même temps que leurs cotisations sociales, via l’URSSAF. Dans ce régime, contrairement au prélèvement à la source classique, un taux fixe est appliqué directement sur le chiffre d’affaires.
Ce taux fixe varie en fonction de l’activité exercée :
- 1 % du CA pour les activités de vente de marchandises ou de fourniture de logement (sauf pour les locations de locaux d’habitation meublés dont le taux est de 1,7 %) (BIC) ;
- 1,7 % pour les activités de prestations de services qui relèvent des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ;
- 2,2 % pour les activités de prestations de services ou activités libérales relevant de bénéfices industriels et commerciaux (BNC).
La gestion administrative est ainsi simplifiée : en pratique, le micro-entrepreneur déclare son chiffre d’affaires chaque mois (ou trimestre) et l’impôt sur le revenu est prélevé directement et en même temps que ses cotisations sociales.
⚠️ Attention : Opter pour le versement libératoire ne vous dispense pas de faire votre déclaration d’impôts tous les ans entre les mois d’avril et juin, on ne coupe pas à la tradition !
Quelles sont les conditions pour bénéficier du versement libératoire ?
L’option pour le versement libératoire est un régime ouvert uniquement aux micro-entrepreneurs (article 151-0 du CGI). Mais elle n’est pas automatique et nécessite de remplir certains critères :
♦️ Vous devez formuler votre demande :
- Si vous n’êtes pas encore en activité : au moment de la création de votre micro-entreprise en ligne sur le site du guichet unique de l’INPI ou bien dans un délai de 3 mois auprès de l’URSSAF ;
- Si vous êtes micro-entrepreneur déjà en activité : auprès de l’URSSAF avant le 30 septembre de l’année en cours pour que l’option s’applique au 1er janvier de l’année suivante.
♦️ Votre Revenu Fiscal de Référence (RFR) de l’année N-2 (avant-dernière année) ne doit pas dépasser certains plafonds :
Pour bénéficier de ce régime fiscal en 2025, le revenu fiscal de référence de l’année 2023 doit être inférieur à 28 797 € par part fiscale ( puis on majore de 50 % par demi-part ou de 25 % par quart de part supplémentaire).
En clair, le RFR ne doit pas dépasser :
- 28 797 € pour une personne seule (1 part) ;
- 57 594 € pour un couple (2 parts) ;
- 71 993 € pour un couple avec un enfant (2,5 parts).
- 82 434 € pour un couple avec deux enfants (3 parts).
- Etc.
⚠️ Attention : Si votre revenu fiscal de référence dépasse ces seuils ou si vous dépassez les plafonds de chiffre d’affaires de la micro-entreprise, vous perdez automatiquement l’éligibilité au versement libératoire.
Imposition classique ou versement libératoire en micro-entreprise : Que choisir ?
Pour bien choisir, il est important de rappeler la différence qui existe entre les deux modes d’imposition :
Le prélèvement à la source classique :
Si vous n’optez pas pour le versement libératoire, vous êtes soumis au régime d’imposition classique. Vos revenus de micro-entrepreneur seront ajoutés aux autres revenus de votre foyer et soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Mais un abattement forfaitaire est préalablement appliqué sur votre chiffre d’affaires pour tenir compte de vos charges. Son taux s’élève à :
- 71 % pour les activités de vente, de location de chambres d’hôtes et de locations meublées de tourisme classé ;
- 50 % pour les prestations de services qui relèvent des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ;
- 34 % pour les prestations de services intellectuels ou professions libérales (BNC) ;
- 30 % pour les activités de locations meublées de tourisme non classé.
Votre revenu net imposable est donc calculé après déduction de cet abattement, ce qui peut s’avérer plus ou moins avantageux selon votre situation fiscale.
Le versement libératoire : une imposition directe sur le chiffre d’affaires
Le versement libératoire applique un taux fixe directement sur votre chiffre d’affaires brut, sans abattement. L’impôt est payé au fur et à mesure des déclarations mensuelles ou trimestrielles de chiffre d’affaires.
Bien avoir en tête donc, que ce régime ne prend pas en compte les éventuelles charges ou fluctuations de revenus !
Quels sont les avantages et les inconvénients du versement libératoire en micro-entreprise ?
✔️ Les avantages du versement libératoire en micro-entreprise
Cette option peut offrir plusieurs avantages :
✅ Une gestion simplifiée : En regroupant l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales en un seul paiement, vous gagnez du temps et réduisez vos formalités administratives.
✅ Anticipation des paiements : Vous connaissez à l’avance le montant de l’impôt à chaque déclaration de chiffre d’affaires .
✅ Potentielle réduction d’impôt : Si vous êtes imposable selon le barème progressif, cette option pourrait limiter le montant global de votre imposition, selon votre niveau de chiffre d’affaires et la composition de votre foyer.
✔️ Les inconvénients du versement libératoire en micro-entreprise :
Malgré ses atouts, le versement libératoire peut également présenter plusieurs inconvénients :
❌ L’impôt est dû alors même que vous n’êtes pas imposable : Si vos revenus sont faibles ou si vous n’êtes pas imposable, vous devrez tout de même payer l’impôt calculé sur votre chiffre d’affaires. Mieux vaut ne pas optez si c’est votre cas.
❌ Pas de remboursement possible : Une fois l’impôt versé à l’URSSAF, il n’est pas récupérable, même si vous constatez en fin d’année que vous n’étiez pas imposable.
❌ Perte de l’avantage des abattements : Contrairement au prélèvement à la source classique, vous ne bénéficiez pas des abattements forfaitaires sur votre chiffre d’affaires. Ceci peut être assez désavantageux pour les activités qui nécessitent beaucoup de dépenses professionnelles.
Conseils pratiques pour faire les bons choix
Exemples chiffrés comparatifs :
Prenons l’exemple d’un micro-entrepreneur en prestation de services libérale (BNC) avec un chiffre d’affaires annuel de 27 000 € :
1 / Avec le versement libératoire :
- Le taux applicable est de 2,2 %.
- Impôt à payer : 27 000 € x 2,2 % = 594 €, prélevé mensuellement ou trimestriellement tout au long de l’année.
2 / Avec l’imposition classique au prélèvement à la source :
- Un abattement forfaitaire de 34 % est appliqué sur le chiffre d’affaires, ce qui donne un revenu imposable de 27 000 € – 34 % = 17 820 €.
- Ce revenu est ensuite ajouté aux autres revenus du foyer fiscal pour être soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Supposons un taux marginal d’imposition de 11 % :
- Impôt à payer : 17 820 € x 11 % = 1960 €.
Analyse :
- Si le taux d’imposition est faible ou si les autres revenus du foyer sont peu élevés, le versement libératoire de 594 € pourrait représenter une économie fiscale intéressante.
- En revanche, si l’abattement de 34 % et le barème progressif sont plus favorables rester à l’imposition classique pourrait être plus judicieux (notamment pour un foyer qui a des revenus faibles, ou qui profite de dispositifs fiscaux tels que les crédits d’impôt pour l’emploi à domicile, les dons ou les travaux de rénovation énergétique).
Comme toujours, une simulation précise est recommandée pour évaluer l’impact selon la situation personnelle de l’entrepreneur.
Quand le versement libératoire est-il conseillé ?
Le versement libératoire peut être un bon choix dans les cas suivants :
- Vous êtes imposable selon le barème progressif et vous souhaitez limiter le montant total de vos impôts.
- Vous recherchez une gestion simplifiée et une anticipation des paiements.
- Vous souhaitez éviter les régularisations importantes lors de la déclaration annuelle des revenus.
Quand le versement libératoire est-il à éviter ?
Mieux vaut éviter cette option dans les cas suivants :
- Vous n’êtes pas imposable ou vos revenus sont proches des seuils d’exonération.
- Vous bénéficiez des abattements forfaitaires sur votre chiffre d’affaires.
- Vous avez des revenus faibles ou incertains, ce qui pourrait rendre l’impôt fixe pénalisant.
En conclusion, le choix entre le versement libératoire en micro-entreprise et le prélèvement à la source dépend principalement de votre niveau de chiffre d’affaires, de votre imposition globale et de la composition de votre foyer fiscal. Pour éviter les erreurs coûteuses, réalisez des simulations précises et n’hésitez pas à consulter un expert-comptable ou un juriste spécialisé. Un choix éclairé est la clé d’une gestion saine et efficace !