Devis obligatoire : ce que dit vraiment la loi

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Avant de démarrer une mission, faut-il toujours fournir un devis ? La réponse n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le croire. Dans bien des cas, établir un devis clair et structuré est simplement recommandé : cela pose les bases d’une relation commerciale saine. Mais dans certains secteurs, ou au-delà de certains montants, cette démarche relève du devis obligatoire, une exigence juridique encadrée par des textes précis.

Manquer à cette règle peut vous exposer à des sanctions, voire à des litiges. C’est pourquoi il est essentiel de bien connaître vos obligations selon le type de prestation proposée. Le point complet sur la question.

devis obligatoire

1 / Qu’est-ce qu’un devis, et pourquoi est-il si important ?

On a parfois tendance à voir le devis comme une simple formalité. Un papier qu’on envoie parce que « ça se fait ». Pourtant, c’est souvent le premier vrai échange structuré entre un professionnel et son client. Il permet de poser les bases : ce que vous proposez, à quel prix, dans quels délais, et avec quelles conditions.

C’est aussi un document qui protège les deux parties. Une fois signé, il engage. Il peut servir de référence si les choses dérapent : un retard, une prestation incomplète, un désaccord sur le tarif… Mieux vaut alors avoir un devis clair sous la main que de s’en remettre à des souvenirs flous ou à des échanges verbaux.

D’ailleurs, la loi ne laisse pas ça au hasard. Le Code de la consommation (articles L111-1 à L111-7) impose aux professionnels d’informer clairement leurs clients avant tout engagement. Et dans certains cas, cette information passe obligatoirement par un devis écrit. C’est particulièrement vrai dans les secteurs sensibles ou très encadrés.

Le devis n’est donc pas qu’un outil commercial. C’est un levier de confiance et une assurance juridique. Et même lorsqu’il n’est pas obligatoire, il reste fortement recommandé pour le sérieux qu’il inspire, et pour la sécurité qu’il apporte.

2 / Quand le devis devient-il obligatoire ?

Dans la plupart des cas, faire un devis, c’est surtout une question de bon sens. Cela met les choses à plat, rassure le client, et évite les malentendus. Mais il faut aussi savoir qu’il y a des situations où la loi impose clairement sa remise.

Certains métiers, certaines prestations ou encore certains montants obligent le professionnel à fournir un devis, avant même que le contrat ne soit signé. Ce n’est donc pas qu’une formalité commerciale : dans ces cas-là, c’est une exigence légale.

Ces règles viennent soit du Code de la consommation, soit de textes spécifiques à certains secteurs. Voilà les principaux cas dans lesquels le devis devient incontournable.

✅ Si le client le demande :

C’est la règle de base : peu importe le secteur, dès lors qu’un client vous demande un devis, vous avez l’obligation de le lui fournir. Ne pas le faire peut être considéré comme un manquement à l’information précontractuelle.

✅ Dans certains secteurs réglementés :

Certains métiers sont soumis à une obligation systématique de devis. Voici les principaux domaines concernés :

🔧 Travaux, dépannage ou entretien à domicile :

Si vous intervenez chez un particulier pour des travaux, même de faible montant, vous êtes soumis à l’arrêté du 24 janvier 2017. Il impose l’émission d’un devis écrit avant toute prestation, quel qu’en soit le coût.

Les activités concernées sont notamment :

  • Maçonnerie, plomberie, électricité
  • Menuiserie, peinture, couverture, isolation
  • Ramonage, dératisation, désinsectisation
  • Serrurerie, vitrerie, étanchéité
  • Entretien de systèmes d’alarme, de portails, de vide-ordures
  • Remplacement de pièces ou d’appareils liés à ces prestations

👉 Cela vaut dès le premier euro, et même si le client ne le demande pas.

🚛 Déménagement :

Avant tout déménagement, l’entreprise doit remettre un devis détaillé ainsi que les conditions générales du contrat, comme le prévoit l’arrêté du 27 avril 2010. Ce document doit être remis avant toute validation de la prestation.

🦷 Professions de santé libérales (certaines prestations) :

Un devis écrit est obligatoire dans plusieurs cas, notamment :

  • Prothèses dentaires ;
  • Chirurgie esthétique, dès lors que le coût dépasse 300 € TTC ou qu’une anesthésie générale est prévue ;
  • Appareils auditifs (audioprothésistes) ;
  • Équipements d’optique (lunettes, lentilles, montures…) ;
  • Soins de pédicurie-podologie non pris en charge par l’Assurance maladie.

Ces règles visent à garantir une totale transparence sur les frais médicaux non remboursés.

⚰️ Services funéraires :

Depuis l’arrêté du 23 août 2010, les opérateurs funéraires ont l’obligation de remettre un devis préalable détaillé, quelle que soit la prestation et sans seuil de montant. C’est un droit fondamental du consommateur dans ce contexte somme toute assez sensible.

🚗 Automobile :

Deux cas d’obligation de devis dans ce secteur :

  • Location de véhicule de moins de 3,5 tonnes (que ce soit à des particuliers ou à des professionnels) : un devis doit être fourni avant la location ;
  • Réparation ou entretien de véhicule : un devis doit être remis si le client le demande, ou s’il ne s’agit pas d’une intervention d’urgence.

Même sans demande, il est recommandé d’en proposer un, surtout pour des prestations supérieures à 150 €.

👵 Services à la personne :

Un devis écrit est obligatoire dans les cas suivants :

  • Si la prestation dépasse 100 € TTC par mois, dans le cadre d’un contrat de longue durée ;
  • Ou à la demande du client, quel que soit le montant.

Cette obligation vise à protéger les bénéficiaires, bien souvent des personnes âgées ou en situation de vulnérabilité.

Prestations et produits liés à la perte d’autonomie :

Les professionnels qui vendent ou louent des dispositifs destinés à favoriser l’autonomie (lit médicalisé, fauteuil, équipements de maintien à domicile…) doivent fournir un devis écrit dans les situations suivantes :

  • Si le prix est supérieur ou égal à 500 € TTC ;
  • Si le montant TTC de la location dépasse ce que prend en charge la Sécurité sociale ;
  • Si le matériel est réalisé sur mesure.

🏗 Architectes :

Il n’existe pas de texte législatif imposant formellement la remise d’un devis par les architectes, mais leur code de déontologie l’impose en pratique. Il est donc de rigueur qu’un devis ou contrat soit remis avant le début de la mission, précisant l’objet, le périmètre, les honoraires et les modalités de rémunération.

📝 Et en dehors de ces cas ? Le Code civil entre en jeu :

Même si la prestation ne relève pas d’un secteur réglementé, la loi impose une règle générale de preuve écrite.

À partir de 1 500 € TTC, un acte juridique (comme un contrat, un bon de commande ou un devis signé) doit obligatoirement être formalisé par écrit pour être recevable devant un juge. Cette règle découle de l’article 1359 du Code civil.

Cela ne rend pas le devis obligatoire au sens strict, mais le rend indispensable en pratique : c’est l’un des moyens les plus simples pour répondre à cette exigence de preuve. Et surtout, c’est une façon claire et sécurisante de fixer les engagements, pour éviter toute mauvaise surprise.

3 / Que risque-t-on si on ne fournit pas de devis alors qu’il est obligatoire ?

Omettre de remettre un devis lorsqu’il est exigé par la loi, ce n’est pas anodin. Cela peut entraîner plusieurs types de sanctions, selon la gravité du manquement, sa fréquence, et les conséquences pour le client.

Voici un aperçu des principaux risques encourus :

🔹 Sanctions administratives :

Les autorités de contrôle, comme la DGCCRF, peuvent intervenir et sanctionner l’absence de devis obligatoire.
Les amendes peuvent grimper jusqu’à 3 000 € pour une personne physique (indépendant, artisan…) et jusqu’à 15 000 € pour une société. Ces montants peuvent être alourdis si l’infraction est répétée ou si elle est considérée comme volontaire. Dans certains cas, un avertissement peut précéder la sanction, mais ce n’est pas une garantie.

🔹 Sanctions civiles :

Côté civil, un client lésé peut agir en justice pour faire valoir ses droits, principalement de deux façons :

  • Demander des dommages-intérêts, s’il démontre que l’absence de devis lui a causé un préjudice (mauvaise surprise sur le prix, confusion sur la prestation…) ;
  • Contester la validité du contrat. En cas de manquement grave à l’obligation d’information précontractuelle, un juge peut annuler l’accord. Cela peut entraîner la restitution des sommes versées et, dans certains cas, une indemnisation complémentaire.

🔹 Sanctions pénales :

Lorsque l’absence de devis s’accompagne d’une intention trompeuse (par exemple, dissimuler volontairement un coût ou présenter une fausse information), cela peut relever de la “pratique commerciale trompeuse”, passible de sanctions pénales.

Et les peines prévues sont lourdes :

  • Jusqu’à 300 000 € d’amende, ou 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial (article L132-2 du Code de la consommation) ;
  • Et jusqu’à 2 ans d’emprisonnement (articles L121-2 à L121-4 du même Code).

De même, si un professionnel falsifie un devis ou en produit un faux, il tombe sous le coup de l’article 441-1 du Code pénal, qui punit le faux et usage de faux par 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

🔹 Atteinte à la réputation :

Enfin, il y a le risque moins visible mais tout aussi dommageable : celui de perdre la confiance de vos clients. Un professionnel qui refuse de faire un devis, ou qui le fait de façon floue ou tardive, peut rapidement voir son sérieux remis en cause. Mauvais bouche-à-oreille, avis négatifs, perte de prospects… Et les conséquences peuvent malheureusement être durables.

En bref, mieux vaut prendre l’habitude de faire un devis dès que la situation le justifie, pas seulement pour éviter des sanctions, mais aussi pour installer une relation claire, saine et transparente avec vos clients. Transparence, confiance, conformité : c’est le trio gagnant d’une mission bien engagée.

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