TJM freelance : comment fixer un tarif juste, réaliste et rentable
Quand on débute en tant qu’indépendant, la question du TJM freelance arrive souvent très tôt, parfois même avant de décrocher sa première mission. Et c’est bien normal : ce tarif influence directement votre revenu, mais aussi la manière dont vos clients perçoivent votre expertise. Cela dit, il n’est pas toujours simple de savoir où se situer. On hésite, on ajuste, on doute… Est-ce que je suis trop bas ? Est-ce que j’oublie des charges ? On le voit souvent : définir son TJM, ce n’est pas juste poser un chiffre, c’est construire une base saine pour développer son activité tout en essayant de rester lucide, crédible, et bien sûr, en phase avec le droit. Voici un guide complet sur la question.
1 / Pourquoi le TJM freelance est bien plus qu’un simple tarif
À première vue, le TJM freelance pourrait passer pour un simple calcul mental : « je veux gagner X euros par mois, donc je facture Y euros par jour ». En réalité, les choses sont un peu plus subtiles.
Ce taux influe directement sur plusieurs éléments clés de votre activité :
- Vos revenus réels, une fois les charges déduites : si vous sous-estimez votre TJM, vous risquez de ne pas pouvoir couvrir vos frais ni cotiser suffisamment pour votre retraite ou votre protection sociale. Par exemple, un freelance en micro-entreprise qui facture 300 € par jour en pensant bien vivre, oublie parfois qu’il ne facturera pas 20 jours par mois et qu’il doit encore payer ses cotisations, ses abonnements pros, ses outils…
- La perception de votre valeur : un TJM trop bas peut faire douter un client de votre sérieux ou de votre niveau de compétence. À l’inverse, un tarif trop élevé, mal justifié, peut aussi faire fuir. Le TJM agit donc comme un signal, il dit quelque chose de vous avant même que vous ne parliez de votre travail.
- Votre positionnement sur le marché : si vous visez des clients premium ou des missions à haute responsabilité, un TJM cohérent avec ce positionnement est attendu. À l’inverse, sur certains marchés tendus ou très concurrentiels (par exemple le graphisme freelance B2C), un tarif trop ambitieux sans preuve de valeur risque d’être perçu comme déconnecté.
Cela dit, au-delà de l’aspect économique, le TJM est aussi un enjeu juridique. Il figure souvent noir sur blanc dans vos conditions générales de vente (CGV) ou dans votre contrat de mission. S’il est mal exprimé (par exemple sans précision sur le nombre de jours facturables, les modalités d’ajustement ou les cas de report) cela peut rapidement créer des zones d’ambiguïté.
Prenons un exemple fréquent : un freelance indique un TJM de 500 € dans son devis, mais sans préciser que seules les journées effectivement travaillées seront facturées, ni ce qu’il advient si la mission prend du retard du fait du client. Résultat : au premier malentendu, ce tarif devient sujet à interprétation, voire à contestation et les soucis peuvent commencer…
👉 Il est donc utile de voir le TJM non comme un simple chiffre à donner, mais comme un cadre à poser, à la fois pour se faire respecter professionnellement et pour se protéger juridiquement.
2 / Faire le point sur ses compétences et sa valeur ajoutée
Avant même de réfléchir à un chiffre, vous devez absolument prendre un moment pour clarifier ce que vous vendez vraiment.
On ne parle pas ici de la simple liste des prestations visibles sur votre site, mais de ce qui compose votre socle professionnel : vos compétences, votre expérience, et surtout, ce qui vous rend différent dans votre domaine.
Cela passe par quelques questions simples mais structurantes :
- Quelles sont mes compétences techniques ? Celles que je maîtrise vraiment, sans hésitation ?
- Quel est mon niveau d’expérience ? Dans quels types de projets ou d’environnements ai-je déjà évolué ?
- Et surtout : qu’est-ce que j’apporte que d’autres n’apportent pas ? Est-ce ma rapidité d’exécution ? Ma polyvalence ? Ma capacité à vulgariser ? Mon regard stratégique ?
Ce travail d’introspection n’est pas seulement théorique. En pratique, il permet de poser les bases d’un positionnement clair, qui facilitera la fixation de votre TJM mais aussi sa justification face au client.
👉 Par exemple : deux développeurs freelances peuvent avoir des compétences similaires sur le papier (HTML, CSS, JavaScript…). Pourtant, l’un a passé trois ans à travailler avec des startups et sait livrer vite en contexte d’urgence ; l’autre a une solide expérience en accessibilité web dans le secteur public. Le TJM de chacun peut donc varier significativement, car leur valeur perçue ne repose pas que sur leur technique, mais sur l’adéquation entre leur profil et les attentes du client.
D’ailleurs, il est acquis que les freelances qui réussissent à facturer à leur juste valeur sont souvent ceux qui ont su spécialiser leur offre ou mieux formuler leur proposition de valeur. Ce n’est pas toujours une question de niveau, mais de lisibilité : plus un client comprend rapidement ce que vous faites, pour qui, et avec quels résultats, plus il est enclin à accepter un TJM freelance aligné.
Enfin, n’oubliez pas : cette clarté sur vos compétences n’est pas seulement utile pour vous. Elle constitue un véritable levier de négociation. Un client est toujours plus réceptif à un tarif bien expliqué, adossé à des preuves concrètes, que ce soit un portfolio, des recommandations, ou des résultats mesurables.
3 / Prendre en compte son marché dans la fixation de son TJM freelance pour rester crédible
Une fois que vous avez clarifié ce que vous proposez, encore faut-il savoir à qui vous vous adressez, et dans quel contexte vous vous inscrivez. Poser un TJM réaliste, c’est aussi comprendre l’environnement dans lequel vous exercez : on ne tarifie pas dans l’absolu.
La connaissance de son marché est aussi essentielle que la maîtrise de ses compétences : Êtes-vous positionné sur un secteur en tension, où les profils comme le vôtre sont rares ? (Ex. : développement IA, cybersécurité ou droit du numérique.) Ou à l’inverse, évoluez-vous dans un champ plus saturé, avec une forte pression concurrentielle (comme la rédaction de contenu ou la gestion de réseaux sociaux) ?
À ce stade, un exemple peut aider à se projeter : un consultant freelance en cybersécurité, qui intervient auprès de grands comptes à Paris, peut viser un TJM autour de 900 à 1200 €. De son côté, un consultant RH indépendant installé en province, travaillant avec des TPE-PME, aura souvent du mal à dépasser les 400 à 600 €, notamment lorsqu’il cible des structures jeunes ou peu digitalisées.
👉 En pratique, il est conseillé (voire prudent) de réaliser un benchmark tarifaire, ne serait-ce que pour situer votre TJM dans une fourchette cohérente avec votre secteur et votre niveau. Des plateformes comme Malt, Free-Work ou Crème de la Crème publient régulièrement des baromètres très utiles, et certains syndicats professionnels (Syntec, CNPL, etc.) diffusent également des référentiels de prix.
Cela dit, il convient de nuancer. Ce que d’autres facturent n’est pas toujours transposable. Un freelance à 700 €/jour n’est pas nécessairement plus compétent : il peut simplement vivre en Île-de-France, répondre à des appels d’offres publics, ou ne travailler que 8 à 10 jours par mois. Votre tarif doit d’abord être le reflet de votre propre modèle économique.
Autrement dit, un bon TJM n’est pas forcément celui qui impressionne, mais celui qui vous permet d’atteindre vos objectifs : couvrir vos charges, vivre correctement de votre travail, et vous positionner de façon crédible.
4 / Adapter son TJM freelance à chaque mission : entre souplesse et cohérence
À ce stade, on pourrait être tenté de chercher le TJM “idéal”, un tarif unique, valable pour toutes les missions. Mais dans les faits, cette approche se heurte vite à la diversité des situations terrain.
Il est plus réaliste (et plus stratégique) d’envisager votre TJM comme une base ajustable, un point d’équilibre qui peut évoluer en fonction du contexte. En pratique, plusieurs variables peuvent justifier une adaptation du tarif journalier :
- La durée de la mission : une mission longue, étalée sur plusieurs mois, peut donner lieu à un tarif dégressif. Pourquoi ? Parce qu’elle offre de la visibilité et réduit les temps non facturables (prospection, gestion administrative…).
- Le degré d’urgence : une demande à traiter en soirée ou durant le week-end justifie souvent un TJM majoré. C’est une forme de rémunération de la disponibilité et de la réactivité.
- La complexité des livrables : plus le projet implique de technicité, de prise de décision, voire de responsabilité juridique ou stratégique, plus il peut être pertinent de revaloriser le TJM.
- L’autonomie attendue : être en pilotage complet d’une mission (sans brief précis, avec reporting, suivi client, coordination d’équipes, etc.) n’implique pas le même engagement qu’un simple rôle d’exécutant.
Prenons un exemple concret : un freelance UX/UI sollicité pour livrer un prototype fonctionnel en 3 jours pour un événement professionnel urgent, sans cahier des charges structuré, mais avec une attente forte côté client, pourra légitimement facturer un TJM 20 à 30 % au-dessus de sa base habituelle. À l’inverse, s’il s’agit d’une mission de trois mois sur un seul projet, avec un brief précis et un interlocuteur dédié, une légère réduction peut se justifier, à condition qu’elle reste compatible avec vos marges.
⚖️ Sur le plan juridique, ces ajustements ne doivent jamais rester implicites. Il est fortement recommandé de les formuler explicitement dans le contrat ou la lettre de mission : durée estimée, périmètre, conditions de dépassement, et tarif applicable. Cela évite toute ambiguïté en cas de prolongation de mission, de changement de brief, ou de litige sur le nombre de jours effectivement facturables.
5 / Intégrer ses charges et viser une rémunération juste
C’est un point souvent sous-estimé, parfois même ignoré au début de l’activité, et pourtant central : pour être viable, un TJM freelance doit couvrir l’ensemble de vos charges, tout en vous laissant une rémunération nette décente… et soutenable dans le temps.
Il ne s’agit donc pas seulement de « gagner de l’argent », mais de financer un modèle professionnel stable, qui inclut :
- les frais directement liés à votre activité : déplacements professionnels, repas, logiciels, formations, abonnements à des outils (comme Notion, Figma, Canva Pro…) ;
- les charges fixes : loyers (si vous travaillez dans un espace dédié), forfait internet et téléphone, licences, services cloud ;
- les frais de gestion : frais bancaires, honoraires comptables, assurance responsabilité civile professionnelle (RC Pro) ;
- et bien sûr, les cotisations sociales, qu’il s’agisse des charges de micro-entreprise, des cotisations URSSAF en société, ou des contributions à la retraite complémentaire. Sur ce dernier point, les estimations sont parfois approximatives, voire largement sous-évaluées. Il semble donc pertinent de vous faire accompagner au besoin, pour éviter les mauvaises surprises à moyen terme.
💡 Un bon point de départ consiste à calculer votre “seuil de rentabilité personnel” : autrement dit, quel revenu net souhaitez-vous atteindre chaque mois ? Puis, à partir de là, estimer combien vous devez facturer pour y parvenir, une fois l’ensemble des charges prises en compte.
Prenons un exemple simple : si vous visez 3 000 € net par mois, et que vos charges s’élèvent à 1 500 €, il vous faut générer un revenu brut de 4 500 €, auquel s’ajouteront vos cotisations. Ce montant, divisé par le nombre de jours réellement facturables, vous donne une base concrète pour fixer votre TJM freelance.
👉 À ce sujet, il est utile de rappeler qu’un freelance ne facture pas 20 jours par mois. En réalité, la moyenne se situe autour de 100 à 150 jours facturés par an, une fois retirés les temps de prospection, les échanges non facturables, les congés et la formation.
6 / Des repères concrets pour mieux vous situer
Si vous vous demandez où positionner votre TJM freelance, il peut être utile de s’appuyer sur quelques fourchettes observées sur le marché français. Ces chiffres ne sont pas gravés dans le marbre, mais ils donnent un point de départ réaliste, surtout si vous intervenez dans un secteur « généraliste » (développement web, marketing, conseil, graphisme, etc.).
Niveau d’expérience | Fourchette TJM (en € HT/jour) |
Débutant | 250 à 350 € |
Confirmé | 400 à 600 € |
Expert/Spécialiste rare | 700 à 1200 € |
Ces données restent bien entendu indicatives. Il convient de les croiser avec plusieurs éléments personnels : votre coût de revient, vos objectifs de rémunération, mais aussi votre volume de travail souhaité, votre typologie de clientèle, ou encore vos projets à moyen terme (investissements, changement de statut, etc.).
🎯 Pour illustrer : un consultant indépendant qui vise un équilibre vie pro/vie perso avec 3 jours facturés par semaine ne fixera pas le même TJM qu’un freelance en phase de développement, prêt à accepter un volume plus élevé sur une période donnée. L’un cherchera à maximiser la valeur de chaque journée travaillée, l’autre misera peut-être plutôt sur un effet volume.
Vous avez encore des doutes ? Pas de panique, il existe plusieurs moyens de vous faire accompagner dans cette démarche :
- consulter un expert-comptable ou un juriste spécialisé pour modéliser vos charges et ajuster votre seuil de rentabilité ;
- utiliser un simulateur de TJM freelance (certains prennent en compte les jours facturables, les charges sociales et les périodes non productives) ;
- échanger avec d’autres indépendants dans votre secteur pour recueillir des retours d’expérience, et comparer sans copier.
Fixer un TJM freelance cohérent, c’est avant tout faire preuve de lucidité. Il ne s’agit ni de viser le tarif le plus bas pour “rester compétitif”, ni de gonfler artificiellement vos prix pour flatter l’image. Le vrai enjeu, c’est de trouver votre juste tarif, celui qui vous permet de travailler dans de bonnes conditions, de respecter votre valeur, et de développer une activité durable, solide, et juridiquement sécurisée.
🎯 Alors, pourquoi ne pas bloquer une heure dans votre agenda cette semaine pour revoir vos tarifs ? Ce ne sera peut-être pas la décision la plus spectaculaire que vous prendrez cette année… mais probablement l’une des plus rentables