Frais de débours : le bon réflexe comptable à adopter
Facturer un client sans alourdir votre chiffre d’affaires ? C’est possible grâce aux frais de débours. Mais il y a des pièges à éviter !
Vous êtes freelance, auto-entrepreneur ou dirigeant d’une petite structure, et il vous arrive d’avancer des frais pour vos clients ? Par exemple : acheter du matériel pour leur compte, régler une nuit d’hôtel dans le cadre d’une mission, ou commander un transport de marchandise à leur demande ? Alors les frais de débours peuvent devenir votre meilleur allié… à condition de respecter quelques règles strictes.
Ce guide vous donne les clés pour appliquer ce mécanisme en toute sécurité, sans vous tirer une balle dans le pied fiscalement.

Frais de débours : de quoi parle-t-on exactement ?
Les frais de débours sont des dépenses que vous réglez pour le compte de votre client. Vous avancez l’argent, mais ce n’est pas votre achat : c’est le sien.
En réalité, vous jouez le rôle d’un simple intermédiaire : vous payez à sa place, puis vous vous faites rembourser à l’euro près, sans appliquer de marge.
Ce mécanisme est strictement encadré : pour qu’un débours soit valable, la facture du fournisseur doit être au nom de votre client, pas au vôtre. C’est une condition essentielle.
Une fois cette règle respectée, le montant remboursé n’entre pas dans votre chiffre d’affaires, ni dans vos recettes imposables.
En clair : les débours ne gonflent ni votre CA, ni votre résultat. Ils échappent totalement à vos cotisations sociales et à vos impôts professionnels à condition, bien sûr, d’être traités correctement.
Une bonne manière de visualiser ce mécanisme ? Pensez à un salarié qui avance des frais de mission pour son entreprise : il se fait rembourser, sans que cela n’impacte son salaire.
Ici, c’est pareil mais entre vous et votre client.
Ce que vous pouvez inclure comme débours (et ce qui ne passe pas)
Tous les frais avancés pour un client ne sont pas éligibles à ce mécanisme. Voici les principales dépenses admises par l’administration :
- L’achat de fournitures ou de matériaux nécessaires à la réalisation d’une mission (ex : des rouleaux de papier peint achetés pour un chantier)
- Des frais de transport liés à une commande client (livraison de mobilier, par exemple)
- Les frais de déplacement effectués spécifiquement pour un client (train, avion, hôtel, voiture de location…)
- Certains repas professionnels pris dans le cadre de la mission
⚠️ Attention : les indemnités kilométriques (ex : vous utilisez votre propre véhicule pour vous rendre chez le client) ne peuvent pas être considérées comme des débours. Si vous les refacturez, elles seront intégrées à votre chiffre d’affaires comme des frais professionnels classiques.
Auto-entrepreneur : pourquoi les débours sont (vraiment) utiles pour vous
Les frais de débours sont accessibles à toutes les entreprises, quelle que soit leur forme. Mais si vous êtes en micro-entreprise, ce dispositif peut vous aider à optimiser considérablement vos charges sociales.
Moins de cotisations à payer
Quand vous êtes en micro-entreprise, l’administration ne vous permet pas de retrancher vos dépenses réelles de votre chiffre d’affaires. Peu importe ce que vous avez déboursé (hôtel, transport, matériel…), vos cotisations sociales sont calculées sur la totalité des sommes encaissées.
Pour compenser cette absence de déduction, un abattement forfaitaire est appliqué automatiquement, en fonction de votre activité :
Pour compenser cette absence de déduction, un abattement forfaitaire est appliqué automatiquement, en fonction de votre activité :
- 71 % pour les activités d’achat-revente,
- 50 % pour les prestations de services relevant des BIC,
- 34 % pour les BNC (professions libérales).
Mais dans la réalité, cet abattement ne couvre pas toujours vos dépenses. Et si vous avez avancé des frais importants pour le compte de votre client, vous risquez de payer des cotisations sociales sur de l’argent que vous ne gardez même pas.
Exemple :
- Vous facturez 3 000 € à un client,
- Vous avez payé 800 € de frais (train, hôtel, matériel…) pour cette mission.
Résultat : vous paierez des cotisations sur les 3 000 €, même si les 800 € ne représentent pas un revenu réel.
C’est là que le mécanisme des frais de débours devient utile. Si vous avez fait établir la facture des 800 € au nom de votre client, et que vous les lui refacturez sans marge, ces montants ne sont pas intégrés dans votre chiffre d’affaires. Vous ne les déclarez pas à l’URSSAF, et vous ne payez aucune cotisation dessus.
Ne pas dépasser les plafonds du régime micro
Autre avantage souvent méconnu : les frais de débours ne sont pas comptabilisés dans votre chiffre d’affaires déclaré.
Cela peut avoir un impact très concret si vous êtes proche des plafonds annuels de la micro-entreprise, à savoir :
- 188 700 € pour les activités de vente de biens,
- 77 700 € pour les prestations de services.
En dépassant ces seuils, vous perdez automatiquement le bénéfice du régime micro. Vous devez alors tenir une comptabilité complète, déclarer vos frais réels et basculer dans un régime d’imposition classique.
Bonne nouvelle : les sommes facturées au titre des débours ne sont pas prises en compte dans ces seuils. Vous pouvez donc encaisser des montants importants pour le compte de vos clients, sans que cela ne vous fasse sortir du régime.
Et ce n’est pas tout : les débours sont également exclus du calcul des seuils de franchise de TVA :
- 91 900 € pour les ventes,
- 36 800 € pour les prestations de service.
Cela signifie que même si vous facturez beaucoup de débours, vous ne serez pas obligé de facturer la TVA ni de changer de régime fiscal, tant que votre chiffre d’affaires “réel” reste sous les seuils.
⚖️ Le réflexe du Pro
Si vous êtes proche des plafonds micro ou franchise de TVA, identifiez les dépenses que vous pourriez passer en débours. Cela vous évitera de franchir un seuil… et vous fera gagner en sérénité (et en cotisations).
Conditions à respecter pour que vos frais soient considérés comme des débours
Les débours ne s’improvisent pas. Pour qu’ils soient reconnus par l’administration fiscale et ne soient pas requalifiés en chiffre d’affaires ou en refacturation de frais, plusieurs conditions cumulatives doivent être strictement respectées. Voici les étapes à suivre et les obligations à ne jamais négliger :
Avant de dépenser : obtenir un mandat clair et précis
Avant toute dépense, demandez un accord écrit de votre client. Ce document, appelé “mandat de débours”, doit préciser :
- Les dépenses concernées
- Le budget maximum autorisé
- L’engagement du client à vous rembourser intégralement
⚠️ Sans ce mandat, vous ne pouvez pas justifier que vous avez agi pour le compte de votre client. Il est donc indispensable.
Conseil pratique : tenez compte des débours dans votre demande d’acompte. Cela évite un trou de trésorerie si les montants sont élevés.
Lors de l’achat : la facture doit être au nom du client
C’est là que tout se joue. Pour que la dépense soit considérée comme un débours :
- Le fournisseur doit émettre la facture au nom du client, jamais au vôtre
- Vous réglez la dépense avec votre propre compte professionnel
Sinon, vous devrez enregistrer l’achat comme une charge dans vos comptes, et la refacturation comme une recette. Ce ne sera donc pas un débours, mais un produit imposable.
Bon à savoir : c’est le client, et non vous, qui pourra faire appel au service après-vente ou engager une réclamation auprès du fournisseur.
Voici un exemple de formulation simple à intégrer dans la zone “conditions particulières” ou en fin de devis :
Frais de débours :
“Certains frais pourront être avancés pour le compte du client (ex. : frais de transport, achat de fournitures, hébergement). Ces frais seront remboursés à l’euro près, sur présentation des justificatifs, sans marge.
Le client accepte que ces dépenses soient engagées en son nom et pour son compte, dans la limite d’un budget prévisionnel de [XXX €].”
Lors de la refacturation : transparence et rigueur
Vous avez terminé la mission : il est temps de vous faire rembourser. Mais attention à respecter scrupuleusement les règles :
- Faites apparaître les débours sur une ligne distincte de votre facture
- Indiquez clairement qu’il s’agit de “frais de débours”
- Ne majorez pas le montant : vous devez refacturer à l’euro près, sans marge ni bénéfice
- Joignez tous les justificatifs d’achat correspondants (factures, tickets, etc.)
- Conservez une copie de tous les documents : facture fournisseur, mandat du client, preuve de paiement
Enfin, n’oubliez pas d’inclure les mentions obligatoires sur votre facture. En cas de contrôle, chaque élément doit être traçable et justifiable.
Récapitulatif : les 7 conditions cumulatives à respecter
- Un mandat préalable écrit du client, clair et détaillé
- Une facture fournisseur établie au nom du client final
- Un paiement effectué par vous via votre compte professionnel
- Une refacturation sans aucune marge (montant identique à la dépense)
- Une ligne distincte sur la facture client, indiquant qu’il s’agit de débours
- Des justificatifs complets fournis au client
- Une conservation de toutes les pièces dans votre propre dossier (mandat, facture, paiement)
Respecter rigoureusement ces conditions est indispensable. Sinon, les sommes peuvent être requalifiées en chiffre d’affaires, et vous risquez un redressement fiscal ou social.
Cas concret : débours ou pas ?
Prenons un exemple très simple.
Vous êtes architecte d’intérieur en micro-entreprise. Vous achetez pour votre client un fauteuil design lors d’un salon professionnel, puis faites appel à un transporteur pour le livrer chez lui.
Voici le traitement comptable :
Dépense | Achat du fauteuil | Transporteur |
Facture établie au nom… | de vous | du client |
Traitement | Chiffre d’affaires | Débours |
Montant refacturé | 1300 € (avec marge) | 80 € |
Montant à déclarer URSSAF | 1300 € | 0 € |
Résultat : seuls les 1 300 € issus de la vente sont à déclarer dans votre chiffre d’affaires. Le remboursement des 80 € de transport, lui, est fiscalement neutre.
Comptabilisation des frais de débours : comment les enregistrer sans erreur
Vous n’êtes pas en micro-entreprise ? Dans ce cas, vous devez comptabiliser les frais de débours dans vos journaux comptables. Voici comment procéder, étape par étape.
Quand vous avancez la dépense pour le client
Vous réglez une facture à la place de votre client (par exemple un transport, de l’hébergement ou du matériel).
Vous devez alors enregistrer cette avance temporaire dans vos comptes :
- Débit du compte 467 – Autres comptes débiteurs ou créditeurs (il représente ce que le client vous doit)
- Crédit du compte 512 – Banque (puisque vous avez payé)
👉 En clair : vous avez avancé une somme pour votre client. On note cette avance dans le compte 467.
Quand vous demandez le remboursement au client
Vous refacturez la dépense à l’euro près. À ce moment-là, vous enregistrez :
- Débit du compte 411 – Clients (ce que le client vous doit)
- Crédit du compte 467 – Cela annule l’avance précédemment enregistrée
👉 Vous récupérez ce que vous avez avancé : la dette (compte 467) est remboursée par votre client.
Et si vous facturez aussi une prestation ?
Sur la même facture, vous pouvez avoir à la fois :
- Une ligne avec vos honoraires ou produits,
- Une ligne “frais de débours”, sans marge, avec les justificatifs à l’appui
Dans ce cas, en plus des écritures ci-dessus, vous devez aussi comptabiliser :
- Vos produits dans les comptes 70x habituels (ventes, prestations…)
- La TVA si vous y êtes assujetti (attention : les débours ne sont pas soumis à TVA pour vous, car ce ne sont pas vos ventes)
Bon à savoir : Si vous avez plusieurs clients pour lesquels vous avancez régulièrement des frais, vous pouvez créer un sous-compte 467 par client. Cela permet un meilleur suivi comptable et un lettrage plus facile.
Cas particulier : si vous êtes en micro-entreprise
Pas d’écritures comptables complexes dans ce cas. Vous devez seulement tenir un livre des recettes (et parfois un registre des achats).
⚠️ Mais attention : N’intégrez pas les frais de débours dans votre chiffre d’affaires. Sinon, vous risquez de payer des cotisations URSSAF sur des sommes que vous avez simplement avancées.
Et la TVA dans tout ça ?
Vous êtes en franchise de TVA ? Vous ne récupérez donc pas la TVA sur vos achats.
Mais si votre client est assujetti et que vous utilisez le mécanisme des débours correctement, alors il pourra déduire la TVA : la facture est à son nom, donc fiscalement c’est lui le bénéficiaire de l’achat.
En résumé : les débours n’empêchent pas votre client de récupérer la TVA (si toutes les conditions sont remplies).
Différence débours et refacturation : Le tableau pour ne plus confondre
Beaucoup d’entrepreneurs confondent les frais de débours avec une simple refacturation de frais engagés dans le cadre d’une mission. Pourtant, ces deux mécanismes sont très différents, tant dans leur traitement comptable que dans leurs conséquences fiscales et sociales.
➡️ Le débours, c’est une dépense que vous avancez pour le compte de votre client, sur la base d’un mandat clair, et dont la facture est établie à son nom. Vous êtes un simple intermédiaire, vous ne générez pas de chiffre d’affaires.
➡️ La refacturation classique, elle, concerne des frais que vous engagez en votre nom pour votre activité (déplacement, sous-traitance, etc.), et que vous répercutez ensuite à votre client. Dans ce cas, ce sont des produits imposables, qui entrent dans votre chiffre d’affaires et peuvent être soumis à TVA.
Le tableau ci-dessous vous permet de visualiser ces différences en un clin d’œil :
Critère | Frais de débours | Refacturation classique |
Facture fournisseur au nom de | Client | Vous |
Traitement comptable | Neutre (hors CA) | Produit (inclus dans le CA) |
TVA récupérable par le client | Oui | Non |
Autorisation préalable | Recommandée / nécessaire | Pas obligatoire |
Justificatifs à fournir | Oui, à conserver | Oui, si besoin fiscal |
✦ Le mot de la fin ✦
Les frais de débours ne sont pas une astuce mais un outil encadré, utile, et parfois indispensable pour préserver la cohérence de votre comptabilité.
Mais comme tout outil juridique, ils n’offrent leurs avantages qu’à ceux qui respectent scrupuleusement leur cadre. Donc vigilance.